Réflexions sur la transparence…

“… Plus généralement, m’influencent les gens qui se donnent à voir avec sincérité, dans leur complexité. Je déteste les vitrines où certain-e-s s’exposent comme des poupées de collection intouchables dans leur perfection d’objets à regarder (“Comme ma vie est jolie, n’est-ce pas?). Comme Kozlika, j’aime ”les gens qui doutent” qui me font douter ou qui secouent mes préjugés.”

Je viens de dénicher ce bout d’entrée via le blogue de Laurent. Ces quelques phrases expliquent bien ce autour de quoi je tourne depuis des semaines, en vous partageant mon ennuie à me retrouver sur des blogues aux contenus polis et bien shinés, absents de sincérité et d’humanité.

Je trouve que beaucoup de gens utilisent le blogue sans vraiment être là. Beaucoup prônent la transparence, et hélas très peu s’ouvrent vraiment pour montrer des êtres plus authentiques, avec leurs forces et leurs faiblesses.

Sûrement que plusieurs sont encore accrochés à l’idée que d’être transparent à ce niveau les rendra plus vulnérables aux attaques – je crois au contraire que de partager unpeu plus de nous à travers nos contenus, parler de ce qui nous touche profondément, peut rapporter beaucoup. Sûrement que plusieurs ne voient juste pas d’intérêt à laisser entrevoir les difficultées et doutes auxquels ils font face, et je peux comprendre aussi, mais alors, qu’est-ce que cette transparence prônée partout? Peut-être devrait on parler de semi-transparence, où l’on nous laisserait entrer dans le portique, mais pas dans le salon du blogueur? Est-ce que les blogues sont encore des espaces perso?

Ici, vous êtes dans mon salon. Vous pouvez voir sur quoi je travaille, ce que je lis, ce que j’écoute – mes doutes, mes envies, mes aventures sont étalées depuis 6 ans. Encore une fois, les filles semblent avoir plus de facilité à s’ouvrir et exposer leur vulnérabilité et leurs doutes – cela a beaucoup de valeure à mes yeux. Peut être suis-je trop idéaliste, ou bien complètement dans le champ (!), mais je me demande, maintenant qu’on a les outils, pourquoi ne pas se servir de ces derniers pour communiquer, vraiment? Sans tomber dans le mélodrame en ligne, les outils que nous avons maintenant pourraient être mieux utilisés pour partager et se parler soul to soul. En ce qui me concerne, à ce jour, l’authenticité n’a simplement pas de prix!

10 comments

  1. Je crois quand même qu’il y a une certaine limite qu’on peut se donner (sans dire qu’on doive se la donner). Personnellement, sur mon blog, je me suis donné comme “limite” celle de la (relative) pertinence, c’est-à-dire que oui, j’expose mes craintes, doutes, etc., sans nécessairement que j’en arrive à exposer des éléments de vie personnelle qui ne sont simplement pas mon objectif dans le blogging. Je ne m’y suis pas attaché par volonté de faire un journal intime, mais davantage dans la possibilité que le format permet (courts textes classés par date ou par label, etc.). En gros, oui, je parle de problématiques qui me concernent et qui nécessairement révèlent une bonne partie de qui je suis, mais il y a des sujets que je n’aborde pas sur mon blog pour ces raisons. Tant mieux si mes interventions actuelles trahissent qui je suis, c’est de cette façon que je veux que les gens me connaissent.

    Je ne suis pas quelqu’un qui veut qu’on voit que sa vie est parfaite, mais je ne veux pas nécessairement non plus qu’on voit qu’elle ne l’est pas. J’ai besoin de ma “dose” de blogs personnels chaque semaine, mais je ne me livre pas nécessairement de mon côté sur ce sujet. Peut-être donc que les lecteurs de blogs ont un plus gros ego que les auteurs…

  2. Pourquoi ce désir de vouloir faire du monde, un reality show idéal ? (L’idéal du reality show étant de donner à voir des personnes vraies. On sait que rares sont ceux qui le sont, mais on espère toujours que la vérité puisse se voir.)

    Comment pouvoir vous communiquer clairement et en peu de mot, le désarroi profond dans lequel je suis plongé ? La confusion de plus en plus grande entre le contact différé/momentané des mondes virtuels (télévision, cinéma, et maintenant internet) et la relation immédiate/prolongée me décourage. La majeure partie de ce qui constitue un humain ne se traduit pas en aucun langage (mots, images, mathématiques), on l’éprouve à travers l’expérience directe.

    La transparence est un leurre. C’est ce qui motive les sciences, et c’est maintenant ce qui motive les individus. La transparence, depuis toujours est lié au pouvoir. Rendre quelque chose (ou quelqu’un) transparent à soi-même, c’est comprendre comment ça fonctionne afin de pouvoir le manipuler. Par exemple, on a rendu l’électricité transparente à la raison humaine pour finalement être capable de s’en servir, de la manipuler. De la même façon, nous cherchons à rendre transparent l’âme humaine afin de la manipuler. Et nous y arrivons de plus en plus; c’est le marketing et bientot le neuro-marketing.

    C’est dommage mais je ne crois pas que l’on puisse combattre l’homogénéisation du monde (le pouvoir scientifique) en réclamant PLUS de transparence. Car là, c’est joué le jeu de la maîtrise du monde…

  3. Eric, what you have written reminds me a bit of the book by Jean Baudrillard – The Ecstasy of Communication…

  4. On peut voir sur quoi tu travailles, oui et non. Il est évident que lorsque tu as le mandat d’un client pour un projet top secret, tu ne vas pas étaler tes difficultés et/ou informations privilégiés au grand jour.

    Maquiller le tout en expliquant «qu’un client X» dans un «contexte Y» insistait pour choisir «l’idée Z» plutôt que «l’idée A» que tu trouvais beaucoup plus inusitée ne permettra pas à personne de comprendre ce dont tu parles.

    Il faut aussi comprendre qu’il existe une catégorie de gens beaucoup moins «phylosophique» dont je crois que je fais partie. J’aime bien lire tes réflexions quasi hebdomadaire sur une panoplie de détails du genre, entourant les blogues et le web, la perception qu’on les autres par rapport aux blogues et cette semaine sur la transparence, mais je ne me vois pas en train d’écrire sur mon blogue comment le sujet m’atteint personnellement.

    Suis-je plus «transparent» dans les commentaires que je laisse ici? Peut-être… o_O

  5. @ Chris

    Je n’ai pas lu ce livre par Baudrillard, mais j’en ai lu plusieurs autres. C’est certain que ces idées me rejoignent. (“L’échange symbolique et la mort” est, selon moi, son livre le plus achevé et le moins énigmatique.) Mais il y aussi les essais de Paul Virilio et Zygmund Bauman qui enrichissent ma réflexion au sujet des technologies de la communication et les relations interpersonnelles.

    Pour moi, la communication c’est la pointe de l’icerberg de l’esprit humain. Et je désespère de voir que la plupart des gens croient que les techniques de communications peuvent, à elles seules, nous permettre de nous faire «apparaître».

    Or, nous ne sommes pas des représentations de nous-même, nous SOMMES, point final. À quoi bon chercher à se représenter de façon ultra-réaliste; le réalisme, le vrai, est une utopie comme disait Camus. Tout ce que nos dispositifs techniques (télévision, cinéma, blog, etc.) nous permettent de faire, c’est de fournir une illusion plus ou moins efficace de notre réalité intime. Or, si nous voulions réellement éprouvé la réalité intime de l’autre, il faudrait vivre à sa place (le film “Being John Malkovich” explore justement ce paradoxe).

  6. À mon avis, “ces transparences”, puisqu’il n’y en n’a pas qu’une seule, sont également en lien avec la ligne éditoriale des blogues, leur vocation, ce qu’on veut en faire. Le mien est “personnel” et a été créé dans ce but. Émettre mes idées et opinions, laissez les autres commenter ces idées, en rajouter s’ils le veulent, et ouvrir un peu la fenêtre de chez moi pour aider le lecteur à saisir les “pourquoi” et les “raisons” de mes choix, de mes idées. Toujours avec des textes romancés, narratifs. D’autres types de blogues ne servent pas la même cause, ne récoltent pas les mêmes visiteurs, ne mettent pas en ligne édito les mêmes… vous voyez où je m’en vais !

  7. Je ne crois tout simplement pas qu’il est possible d’atteindre une vraie transparence qu’elle soit au niveau de n’importe quel média parce que le contexte d’échange ne se fait pas en direct. Le lecteur ne reçoit pas l’information de la même manière que l’auteur la projette, l’information devient subjective et le lecteur projette sa réalité sur celle-ci. Le doute peut s’installer; qu’est-ce qui me prouve que les faits sur ce blog sont vrais? Bref, je crois que ceci amène l’homogénéité formelle et narrative.

    De mon côté, mon blog prend beaucoup plus la forme de mon cahier-créatif qu’un journal quotidien; à quoi bon relater mes faits et gestes puisque je les vis déjà? Personnellement, cette transparence ne nourrit pas mon travail créatif.

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